La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 47, 22 Novembre 2021, 2352
Le Conseil d’État juge, par une décision qui sera publiée au Recueil Lebon, que lorsque le juge de l’impôt est saisi, au soutien d’une contestation du bien-fondé de l’impôt, d’une exception d’illégalité de l’acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d’imposition, il lui appartient de l’écarter lorsque cet acte réglementaire est, par l’effet d’un changement de circonstances de droit, devenu légal à la date du fait générateur de l’impôt.
CE, 4 oct. 2021, n° 448651, min. Économie, Finances et Relance c/ Sté Ceetrus : Lebon ; JCP A 2021, act. 595 CE, 4 oct. 2021, n° 448820 , min. c/ Sté Éts Darty et fils : inédit CE, 4 oct. 2021, n° 448822 , min. c/ Sté Mercialys : inédit CE, 4 oct. 2021, n° 448850 , min. c/ Sté L’Immobilière Groupe Casino : inédit
Extraits de la décision CE, 4 oct. 2021, n° 448651
3. Aux termes du I de l’article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 57 de la loi du 29 décembre 2015 portant loi de finances rectificative pour 2015, rendu applicable à compter du 1er janvier 2016 en vertu du A du III de ce même article : ” Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal (…) “. Aux termes de l’article 1521 du même code : ” La taxe porte sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en sont temporairement exonérées “. Aux termes de l’article 1415 du même code : ” La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d’habitation sont établies pour l’année entière d’après les faits existants au 1er janvier de l’année de l’imposition “. Les déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales s’entendent des déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.
4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3 qu’à la date du fait générateur de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères en litige, soit le 1er janvier 2016, cette imposition avait pour objet de couvrir les dépenses exposées par les collectivités territoriales pour assurer l’enlèvement et le traitement tant des ordures ménagères que des déchets non ménagers, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes par des recettes non fiscales.
5. Par suite, en se bornant à constater qu’à la date du 16 décembre 2015, à laquelle l’assemblée délibérante de la communauté d’agglomération Tour(s)plus a fixé le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2016, les dispositions alors applicables de l’article 1520 du code général des impôts ne permettaient de couvrir que la collecte et le traitement des seules ordures ménagères, pour en déduire que le taux ainsi fixé était entaché d’illégalité en ce qu’il aboutissait à une disproportion manifeste entre le produit de cette imposition et les dépenses exposées par la communauté d’agglomération pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales, alors qu’il lui appartenait de rechercher si cette illégalité subsistait à la date du fait générateur de l’imposition, eu égard au périmètre des dépenses pouvant être couvertes par le produit de cette taxe à compter du 1er janvier 2016, le tribunal administratif d’Orléans a commis une erreur de droit.
[…]
CONCLUSIONS
1 – Dans ces quatre litiges, les sociétés requérantes ont excipé, par voie d’exception, de l’illégalité de la délibération du 16 décembre 2015 par laquelle la communauté d’agglomération Tour(s)plus a fixé le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) au titre de l’année 2016. Ce taux serait, selon elles, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (V. CE, 31 mars 2014, n° 368111 et a., min. c/ Sté Auchan France : Lebon T. ; RJF 6/14, n° 639, concl. N. Escaut ; BDCF 6/14, n° 62 ; JCP A 2014, act. 327).
L’article 1520 du Code général des impôts (CGI) définit les dépenses que la taxe est destinée à financer. Entre la date de l’adoption de la délibération contestée et le 1er janvier 2016, date du fait générateur de la taxe en litige, cet article 1520 a été modifié par la loi de finances rectificative pour 2015, à compter du 1er janvier 2016, pour permettre que la taxe finance les dépenses du service de collecte et de traitement non seulement des déchets ménagers, mais aussi des autres déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), couramment appelés déchets non ménagers (L. n° 2015-1786, 29 déc. 2015, art. 57, de finances rectificative pour 2015. – Par la décision du 31 mars 2014, min. c/ Sté Auchan France, qui portait sur l’année 2008, le Conseil d’État avait jugé que la taxe n’avait pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers). S’est donc posée la question de savoir si, pour apprécier s’il y avait disproportion manifeste entre le produit de la taxe et donc son taux et le montant des dépenses pouvant être financées, il fallait appliquer les règles fixées par l’article 1520 du CGI à la date de l’adoption de la délibération ou à la date à laquelle elle avait reçu application, soit le 1er janvier 2016.
Le tribunal administratif d’Orléans, en s’en tenant à la règle selon laquelle la légalité d’un acte réglementaire s’apprécie à la date de son adoption, a choisi la première branche de cette alternative, ce qui l’a conduit à juger que la délibération du 16 décembre 2015 était entachée d’illégalité. L’autre approche, que nous allons vous proposer de retenir, peut se réclamer du fait qu’à la date du fait générateur de l’impôt, qui est celle à laquelle la délibération a commencé à recevoir application, la règle de droit applicable était l’article 1520 du CGI dans sa rédaction issue de la LFR pour 2015.
2 – Dans les conclusions sur la décision du 29 mars 2010, Section française de l’observatoire international des prisons et Korber (CE, 29 mars 2010, n° 319043 et 319580 : Lebon, p. 84 ; JCP A 2020, act. 292), Mattias Guyomar rappelait que la cristallisation de la légalité d’un acte réglementaire à la date de son édiction était un principe intangible mais ajoutait que cela ne dispensait pas l’auteur de l’acte d’un « devoir de projection le conduisant à apprécier, de manière dynamique, la légalité de son application dans le temps au regard de l’ensemble des règles existant à cette date, qu’elles soient déjà applicables ou non ». Cette approche doit également, selon nous, guider le juge administratif. Il doit en outre tenir compte du fait que les contentieux de l’excès de pouvoir, du refus d’abrogation et de l’exception d’illégalité n’ont pas le même objet, ce dont votre jurisprudence a d’ores et déjà tiré différents types de conséquences.
Dans le contentieux de l’excès de pouvoir, où l’objectif est d’obtenir l’annulation de l’acte ab initio, s’applique avec fermeté la règle selon laquelle la légalité de l’acte réglementaire attaqué s’apprécie au regard des règles existant à la date de son édiction. Mais cette règle n’est pas absolue et vous avez, en particulier, introduit un tempérament dans le cas où un décret est pris « en avance », par anticipation, pour l’application d’une loi qui sera applicable à la date de l’entrée en vigueur du décret. Dans ce cas, la légalité du décret est appréciée en fonction du droit applicable à sa date d’entrée en vigueur (décision Section française de l’observatoire international des prisons et Korber susmentionnée).
En présence d’un refus d’abrogation d’un acte réglementaire, l’office du juge est tourné vers l’effet utile d’une annulation de ce refus, qui réside dans l’obligation pour l’autorité compétente, que le juge peut prescrire d’office, de procéder à l’abrogation de l’acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l’ordre juridique (V. CE, ass., 19 juill. 2019, n° 424216 et 424217, Assoc. des Américains accidentels : Lebon, p. 296 ; JCP G 2019, 1193, note B. Defoort ; Comm. com. électr. 2020, comm. 20). La question qui guide le juge est donc de savoir s’il y aurait matière à enjoindre à l’Administration d’abroger l’acte réglementaire en cause. C’est pourquoi vous jugiez que l’autorité administrative est fondée à refuser d’abroger un règlement dont l’illégalité initiale a cessé à la date de ce refus (CE, 10 oct. 2013, n° 359219, Féd. française de gymnastique : Lebon, p. 251). Vous aviez aussi admis que le juge tienne compte des modifications de l’état du droit intervenues postérieurement au refus d’abroger, voire à l’introduction de la requête et purgeant le vice originel dont était entaché l’acte (CE, 30 mai 2007, n° 268230 : Lebon T. – V. d’autres références dans les conclusions d’A. Lallet sur la décision Assoc. des Américains accidentels, note 14). Vous êtes allés au bout de cette logique dans la décision d’assemblée Association des Américains accidentels, en jugeant que, pour apprécier la légalité d’un refus d’abroger, le juge se détermine au regard des règles applicables à la date de sa décision.
En matière d’exception d’illégalité, enfin, ce qui importe véritablement est de savoir si l’acte était illégal à la date à laquelle il a été appliqué. C’est pourquoi vous jugez depuis longtemps que le juge peut, non seulement apprécier la légalité de l’acte litigieux à la date à laquelle celui-ci a été pris (CE, 24 janv. 1902, Sieur Avézard : Lebon, p. 44) mais aussi rechercher si l’acte n’est pas devenu illégal à la date à laquelle il en a été fait application, par suite d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait (CE, ass., 22 janv. 1982, Ah Won : Lebon, p. 33). Vous avez aussi, récemment, distingué entre les motifs d’illégalité, selon qu’ils sont ou non susceptibles de faire porter à l’acte une atteinte illégale à l’ordre juridique, ce qui a conduit à juger que les conditions d’édiction de l’acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne peuvent être utilement contestés que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, tandis que la légalité des règles fixées par l’acte, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent également être utilement contestés par la voie de l’exception d’illégalité (CE, ass., 18 mai 2018, n° 414583, Féd. des finances et affaires économiques de la CFDT : Lebon, p. 187).
La principale innovation que nous vous proposons est de transposer, en matière d’exception d’illégalité, la logique de la décision Section française de l’observatoire international des prisons à un cas où le texte servant de base légale à l’acte attaqué n’avait pas encore été modifié à la date d’adoption de cet acte. Le ministre fait certes valoir qu’à la date d’adoption de la délibération du 16 décembre 2015, la modification de l’article 1520 du CGI avait fait l’objet d’un vote conforme par les deux assemblées et n’était donc plus en discussion, compte tenu des règles de la procédure parlementaire. Il est vrai aussi que vous admettez que des mesures réglementaires soient prises pour l’application d’une disposition existante mais non encore publiée, sans méconnaître le principe selon lequel la légalité d’un acte administratif s’apprécie au regard des dispositions existant à la date de sa signature, à la condition qu’elles n’entrent pas en vigueur avant que la disposition sur laquelle elles se fondent ait été régulièrement rendue opposable aux tiers (CE, 18 juill. 1913, Synd. national des chemins de fer : Lebon, p. 875. – CE, sect., 27 janv. 1961, Sieurs Daunizeau et a. : Lebon, p. 57. – CE, sect., 30 juill. 2003, n° 237201, Groupement des éleveurs mayennais de trotteurs (GEMTROT) : Lebon, p. 346). Mais il nous paraît difficile de procéder à une forme de découpage d’un texte législatif destiné à être adopté dans sa globalité et, en outre, de ne pas tenir compte de l’éventualité d’une censure que pourrait prononcer le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori de la loi. En revanche, nous pensons qu’au moins dans la configuration de l’espèce, la circonstance que la loi n’ait pas encore été adoptée lors de l’adoption de la délibération peut être regardée comme indifférente. Dans le contexte général de vos décisions récentes, qui traduisent un renforcement du souci de pragmatisme nuançant depuis longtemps, dans votre jurisprudence, le formalisme s’appliquant à la contestation des actes réglementaires, deux considérations nous déterminent en ce sens : d’une part, s’agissant d’une exception d’illégalité, ce qui importe est la légalité de la délibération à la date où il en a été fait application, c’est-à-dire ici à la date du fait générateur de l’impôt ; d’autre part, on n’est pas dans un cas où il y aurait matière à s’interroger sur l’intention de l’auteur de l’acte de lui donner, à cette date, la portée que peut légalement lui conférer la loi future. Tel pourrait être en revanche le cas pour un avantage fiscal dont il reviendrait aux collectivités territoriales de préciser les caractéristiques (durée, niveau, bénéficiaires…) – pour un exemple, voir la décision CE, 31 juill. 2009, n° 296835, min. c/ SARL Deluxe Global Media Services France (Lebon T. ; RJF 12/09, n° 1103, concl. C. Legras BDCF 12/09, n° 140), où étaient en cause des délibérations adoptées dans les années 1960 et prévoyant une exonération de taxe professionnelle pour les entreprises durant les cinq années suivant celle de leur création qui, conformes à la loi lors de leur adoption, s’agissant de cette durée, étaient devenues illégales à la suite d’une loi de 1980 limitant la durée de l’exonération à quatre années et dont on pouvait soutenir qu’elles étaient redevenues légales après l’adoption, en 1990, d’une loi portant à nouveau la durée maximale de l’exonération à cinq ans – solution qui n’a pas été retenue.
En conclusion, s’agissant d’une délibération qui avait vocation à s’appliquer à compter du 1er janvier 2016, nous vous proposons de juger que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se bornant à apprécier sa légalité à la date de son adoption, sans rechercher si, à la date où il en a été fait application, soit la date du fait générateur de l’impôt, la modification de l’article 1520 du CGI n’était pas de nature à la rendre légale, pour ce qui concerne le niveau du taux de la TEOM.
Vous annulerez l’article 1er de chaque jugement attaqué et renverrez les affaires au tribunal administratif d’Orléans. Vous rejetterez les conclusions présentées par chaque société au titre des frais d’instance.
Tel est le sens de nos conclusions.
Karin Ciavaldini rapporteure publique
Note :
Par quatre arrêts rendus le 4 octobre 2021, le Conseil d’État poursuit sa jurisprudence relative à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères excédentaire et précise que lorsque le juge de l’impôt est saisi, au soutien d’une contestation du bien-fondé de l’impôt, d’une exception d’illégalité de l’acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d’imposition, il lui appartient de l’écarter si l’illégalité a cessé à la date du fait générateur de l’imposition.
• Par une délibération en date du 16 décembre 2015, la Communauté d’agglomération de Tours Plus a fixé le taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ayant pour objet de couvrir les dépenses exposées par les collectivités territoriales pour assurer l’enlèvement et le traitement tant des ordures ménagères que des déchets non ménagers, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes par des recettes non fiscales.
Par quatre requêtes distinctes, les sociétés Ceetrus France, Immobilière Groupe Casino, Mercialys et Etablissements Dartys et Fils ont saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à la décharge de cotisation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), au titre de l’année 2016. À l’appui de leur requête, les quatre sociétés excipaient de l’illégalité de la délibération du 16 décembre 2015 ayant fixé le taux de la taxe.
Par quatre jugements en date du 30 novembre 2020, le tribunal administratif d’Orléans a fait droit à leurs demandes et prononcé la décharge de cotisation de la taxe. Le tribunal s’est fondé sur la circonstance qu’à la date de la délibération du 16 décembre 2015, les dispositions alors applicables de l’article 1520 du Code général des impôts (CGI) ne permettaient de couvrir que la collecte et le traitement des ordures ménagères. Le tribunal en a alors déduit que le taux de TEOM était entaché d’illégalité en ce qu’il aboutissait à une disproportion manifeste entre le produit de cette imposition et les dépenses exposées par la communauté d’agglomération pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales. Le tribunal a donc apprécié la légalité de la décision d’imposition à la date de la délibération.
Le ministre de l’Économie a formé quatre pourvois en cassation.
Par quatre arrêts, le Conseil d’État a annulé les quatre jugements et renvoyé les affaires devant le tribunal administratif d’Orléans. Le Conseil d’État a jugé que « dans l’hypothèse où l’illégalité d’un acte règlementaire a cessé, du fait d’un changement de circonstances, à la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité d’un acte pris pour son application ou dont il constitue la base légale, il incombe au juge, saisi d’une exception d’illégalité de cet acte réglementaire soulevée à l’appui de la contestation de ce second acte, de l’écarter. De la même façon, lorsque le juge de l’impôt est saisi, au soutien d’une contestation du bien-fondé de l’impôt, d’une exception d’illégalité de l’acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d’imposition, il lui appartient de l’écarter lorsque cet acte réglementaire est, par l’effet d’un changement de circonstances, devenu légal à la date du fait générateur de l’imposition ». Ainsi, la légalité d’un acte pris en application d’un acte réglementaire s’apprécie à la date de son édiction et non à la date de l’édiction de l’acte réglementaire.
• Cet arrêt attire l’attention à deux titres.
En premier lieu, le Conseil d’État rappelle la modification du champ de la TEOM, introduite par la loi de finances du 29 décembre 2015 portant loi de finances rectificatives pour 2015. Au 1er janvier 2016, la TEOM couvre les seules dépenses exposées par la collectivité pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets non ménagers, non couverts par des recettes non fiscales. Alors qu’antérieurement à la loi de finances du 29 décembre 2015, la TEOM n’avait pour objet de couvrir que les seules dépenses relatives à la collecte et au traitement des ordures ménagères, le champ de la TEOM se voit élargi aux dépenses relatives à l’enlèvement et au traitement des déchets non ménagers, non couverts par des recettes non fiscales. Le tribunal administratif s’est donc fondé sur les dispositions de l’article 1520 du CGI, dans leur rédaction applicable au 16 décembre 2015, pour en déduire que la délibération était illégale et que par suite, la décision individuelle fixant le montant de TEOM était illégale.
En second lieu, le Conseil d’État précise que lorsque le juge est saisi d’une exception d’illégalité portant sur un acte réglementaire sur la base duquel la décision individuelle a été prise, il lui appartient d’apprécier la légalité de cet acte réglementaire à la date du fait générateur de l’impôt et non à la date à laquelle cet acte a été pris.
Le Conseil d’État juge que dans l’hypothèse où l’illégalité d’un acte réglementaire fondant l’imposition a cessé au jour où le juge apprécie la légalité d’un acte pris pour son application, un requérant n’est plus fondé à se prévaloir de l’illégalité originelle de l’ace réglementaire pour obtenir la décharge de l’impôt. Le champ temporel de l’exception d’illégalité d’un acte réglementaire se voit réduit : la juridiction ne doit pas se limiter à apprécier la légalité originelle de l’acte réglementaire, il lui appartient de vérifier si l’acte réglementaire était toujours légal à la date où des décisions individuelles ont été prises en application de cet acte.
Pour rappel, un règlement illégal doit être écarté (CE, sect., 14 nov. 1958, P. : Lebon, p. 554) ou abrogé à la demande d’un administré, et une décision de refus de le faire est illégale que l’illégalité ait été ab initio (V. par CE, ass., 3 févr. 1989, Cie Alitalia : Lebon, p. 44) ou qu’elle soit intervenue à la suite d’un changement de fait ou de droit (CE, sect., 10 janv. 1930, n° 97263 et 5822, Sieur Despujol : Lebon, p. 30). Ces dispositions ont été reprises aux articles L. 242-1 et suivants et L. 243-2 du Code des relations entre le public et l’Administration.
En revanche, il n’y a pas lieu d’abroger un acte réglementaire quand des circonstances survenues postérieurement à l’édiction de l’acte ont eu pour effet de rendre l’acte légal (CE, 10 oct. 2013, n° 359219, Féd. française de gymnastique).
Le Conseil d’État s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du 19 juillet 2019 (CE, ass., 19 juill. 2019, n° 424216, Assoc. des Américains accidentels) aux termes duquel il a jugé que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’abroger un acte réglementaire, il apprécie la légalité de l’acte réglementaire dont l’abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. Ainsi, si à la date à laquelle il statue, l’acte réglementaire est devenu illégal en raison d’un changement de circonstances, il appartient au juge d’annuler ce refus d’abroger pour contraindre l’autorité compétente de procéder à son abrogation. Cette jurisprudence, rendue e matière de contentieux de l’excès de pouvoir, se voit transposer au contentieux de l’exception d’illégalité.
En l’espèce, le Conseil d’État censure le raisonnement du Tribunal administratif d’Orléans qui a apprécié la légalité de la décision individuelle au regard de la délibération du 16 décembre 2015 en s’abstenant de prendre en compte le fait que la modification de l’article 1520 du CGI avait eu pour effet de rendre légale la délibération litigieuse et par extension la décision individuelle.
Par cet arrêt, le Conseil d’État juge que dans l’hypothèse où l’illégalité d’un acte réglementaire a cessé, du fait d’un changement de circonstances, à la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité d’un acte pris pour son application ou dont il constitue la base légale, il incombe au juge, saisi d’une exception d’illégalité de cet acte réglementaire soulevée à l’appui de la contestation de ce second acte, de l’écarter.
Mots clés : Budget / Finances / Fiscalité. – Taxe d’enlèvement des ordures ménagères